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temps un autre but : il voulait un descendant pour porter la couronne impériale et continuer l’œuvre grandiose qu’il avait commencée.

Le conquérant espérait ainsi que son fils (qui naquit le 20 mars 1811, et reçut en naissant le titre de Roi de Rome), serait pour son aïeul, l’empereur d’Autriche, l’objet d’une sincère affection ; que les efforts des deux peuples s’uniraient alors dans un but de grandeur commune.

Il commit là une grave erreur ; et son mariage avec Marie-Louise, tout en ne lui donnant point l’affection loyale de l’Autriche, lui aliéna les sympathies de l’empereur de Russie, qui vit dans cette alliance une menace pour lui-même.

Pourtant la paix n’était pas troublée.

On vivait dans l’orgueil des victoires passées.

Les soldats et les officiers étaient l’objet de l’affection et de l’admiration universelles. Pendant ce temps, Henri et Jean grandissaient. C’étaient maintenant deux beaux petits gars de quatre ans, forts, bien découplés ; et c’était vraiment très drôle de les voir se promener en costume de lanciers polonais (la mode était alors d’habiller les petits garçons en militaires).

Tous deux avaient un petit sabre à fourreau de cuivre, et Grimbalet, très grave, les prenant par la main, les emmenait souvent aux Invalides, rendre visite à leur bisaïeul et au vieux La Ramée.

Les promeneurs s’arrêtaient, souriants, en voyant le groupe bizarre des deux vieux mutilés qui s’ingéniaient à amuser les deux petits garçons.

Belle-Rose, le vieux dur à cuire, n’avait d’yeux que pour eux.

Assis sur les affûts des vieux canons de bronze, il prenait les enfants, chacun sur un genou, et leur racontait des histoires de batailles « superlatives » qu’Henri et Jean écoutaient d’un petit air très grave, très sérieux.

La Ramée leur faisait faire l’exercice.

Et pour les amuser, le vieux tambour-maître exécutait avec sa canne des moulinets invraisemblables.

— Que dont auquel vous serez de vrais troupiers, petits clampins ! concluait-il.

Les visites se terminaient invariablement par une station à la boutique d’une vieille bonne femme qui vendait, au coin de l’Esplanade, dans une baraque en plein air, des macarons et des croquignoles, ou bien chez le marchand de joujoux de la rue Saint-Dominique. Enfin, quand l’heure de