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— Oui, mon enfant. L’Empereur a peut-être tort de faire cette guerre-là ! Je connais les Espagnols : elle sera longue et sauvage.

Ce fut une exclamation générale parmi les militaires présents.

— Allons donc ! que l’Empereur a toujours raison ! s’écria Belle-Rose. Superlativement raison, comme toujours ! Que les Espagnols et les Portugais ils sont avec les Angliches ; donc, faut leur taper dessus.

— Bravo ! dit Grimbalet.

— J’obtempère ! grogna La Ramée.

Jolibois fut du même avis.

Au fond, c’était Jacques Bailly qui avait raison. La guerre d’Espagne, pour glorieuse qu’elle fut, était une faute. Napoléon le comprit trop tard ; mais il n’est pas de génie parfait en ce monde, et cela ne diminue en rien sa gloire ni la gloire de nos armes.

L’histoire détaillée que vous apprendrez, mes enfants, vous dira la vérité sur cette guerre qui fut atroce et interminable.

Avec une énergie qu’exaltait leur patriotisme ardent, les Espagnols se défendirent avec une véritable sauvagerie ; ils firent aux armées françaises la plus terrible des guerres, celle des guérillas : la guerre au couteau.

Il en résulta que l’Empereur perdit là beaucoup d’hommes et beaucoup d’argent, et que ses armées, occupées en Espagne, lui firent défaut à certains moments où il en aurait eu besoin ailleurs.

Et cette résistance des Espagnols fut terriblement longue, car la guerre dura de 1808 jusqu’au commencement de 1812.

Jolibois, qui partit en effet le lendemain avec son régiment, ne devait jamais en revenir ! Il fut tué d’un coup de tromblon, à la tête du 9e, à l’assaut de Tarragone.

Quant à Grimbalet, suivant la promesse que Jean lui en avait faite, il entra au train des équipages de la Garde. Il apprit à monter à cheval et devint l’ordonnance du capitaine Cardignac. Je vous assure qu’il en était fier !

Pendant l’année 1808, Jean resta à Paris, partageant son temps entre son service et ses affections familiales.

Il n’accompagna pas l’Empereur à Erfürth, en octobre 1808, lorsque Napoléon s’y rendit pour signer avec le tsar Alexandre un traité d’amitié.

Mais, en novembre, l’Empereur partit pour l’Espagne, emmenant avec