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son honneur à tracer net et droit le sillon qu’il parcourt dans la vie, il a le droit d’avoir de l’ambition et cette ambition est respectable.

C’était celle de Jean Cardignac !

Sentant d’ailleurs les lacunes de son instruction militaire, il demanda à l’Empereur de l’autoriser à assister aux manœuvres journalières de la Garde, de façon à acquérir les connaissances pratiques qui lui permettraient de bien commander une compagnie d’abord, ensuite un bataillon.

L’Empereur fut extrêmement satisfait de la demande de son protégé. Tous les matins, Jean se rendait au champ de manœuvres de Tempelhof, où il devint rapidement un habile manœuvrier.

C’est à ce moment que Napoléon, voulant annihiler l’Angleterre dans ses forces vives, rendit le décret célèbre du Blocus continental, par lequel il mettait tous les ports de l’Europe en interdit pour les vaisseaux anglais.

Ce décret à peine signé, l’Empereur en expédia partout des ampliations par des courriers extraordinaires. Ce fut le capitaine Jean Cardignac qui eut l’honneur et le plaisir d’escorter le courrier impérial apportant le décret à Paris.

Jean n’était guère attendu rue de la Huchette ! Aussi vous pensez quelle joie ce fut pour Lisette, pour Catherine, pour Jacques Bailly et pour les deux vieux Belle-Rose et La Ramée, de voir, l’une son mari, les autres leur enfant, avec son joli habit bleu à ganse d’or, orné du gilet à brandebourgs et surtout de la double épaulette.

Jean avait une permission de deux mois. Mais il l’écourta, et partit précipitamment pour rejoindre son poste en apprenant que Napoléon, voulant une bonne fois en finir, avait porté son armée en Pologne, au-devant des Russes, qui arrivaient au secours de la Prusse écrasée.

Déjà nous avions passé la Vistule à Varsovie.

De son côté, le maréchal Ney passait ce fleuve à Thorn, et s’emparait de la rive opposée par un de ces coups d’audace dont il était coutumier ; car ce fut avec quatre cents hommes, montés sur des barques, que le maréchal obtint ce gros succès.

De ce fait, la Pologne était à nous !

Alors Napoléon marcha en avant.

Rencontrant à Eylau l’armée russe, il la battit après une lutte épique, après un des plus sanglants combats que l’histoire ait jamais enregistrés.