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— Lui-même, mon garçon… et si tu es raisonnable… Jean tira une bourse en soie que lui avait brodée Lison et fit tinter l’or qu’elle renfermait.

— … deux napoléons pour toi ! sinon, une balle dans la tête. Il n’y a pas de milieu…

Tu connais le Landgrafenberg ?

— Oui, monsieur l’officier.

— Eh bien, dis-moi s’il est occupé par l’ennemi.

— Oui.

— Il y a beaucoup de monde ?

— Je ne sais pas.

— Tu ne sais pas ! fit Jean en fronçant le sourcil. Non, monsieur l’officier. Vrai !… Je ne peux pas vous dire s’il y a beaucoup de monde.

L’homme était sincère, on pouvait en être convaincu rien qu’au son de sa voix.

— Allons ! dit Jean, je vais vérifier ça moi-même. Tu vas me conduire…

Mais l’autre eut un geste d’effroi.

— Si l’on nous tire dessus ?

— Eh bien ? Ça te gêne !… Ne sais-tu pas qu’il faut le poids d’un homme, en plomb, pour le tuer ? Allons ! en route, et par les petits sentiers détournés ; tu dois les connaître… Deux napoléons pour toi si tu marches droit.

Force fut à l’Allemand d’obéir.

Par prudence, Jean enferma d’abord la paysanne à clef, puis il partit avec son guide qui eut, de beaucoup, préféré être ailleurs.

Mais, d’une part, il avait la certitude d’être tué s’il bronchait ; d’autre part, il avait la chance de revenir avec deux napoléons…

Il n’hésita plus et gagna, correctement son argent.

En une heure, Jean Cardignac eut exploré sans être vu toute la ligne des sentinelles. Il constata qu’il s’agissait d’avant-postes composés uniquement d’infanterie.

Du reste, étant donnée la nature abrupte et rocheuse du sol, il y aurait eu impossibilité matérielle à y faire monter de l’artillerie.

Enchanté du résultat de sa mission, Jean prit rapidement quelques notes