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Ils s’offraient au contraire sous l’apparence de pentes agrestes, d’aspect frais et coquet, comme on en rencontre encore du côté de Meudon.

C’est dans cette petite habitation que notre jeune officier passait les rares loisirs que lui laissait le service.

En effet, mes enfants ; il ne faudrait pas croire, parce qu’on traversait une période de calme, de paix complète, que les soldats restaient inoccupés.

Il est un proverbe latin qu’on ne saurait trop méditer et surtout mettre en pratique. Ce proverbe : Si vis pacem, para bellum, veut dire, vous le savez : « Si tu veux conserver la paix, sois toujours prêt à la guerre. »

C’est profondément vrai ! Les peuples qui s’amollissent et s’endorment dans la quiétude de la paix ont souvent de terribles réveils ; n’en savons-nous pas quelque chose ?

Mais le grand homme de guerre qu’était Bonaparte ne s’endormait pas et ne laissait pas s’endormir son armée.

Ses soldats étaient l’objet de toute sa sollicitude. Paternel avec eux, aucun détail les concernant ne le laissait indifférent ; il voulait que ces hommes, qu’il se plaisait à nommer ses enfants, fussent bien traités, ne manquassent de rien ; mais, en revanche, il exigeait d’eux un entrainement constant, une énergie de toutes les minutes, une discipline absolue.

Le futur conquérant de l’Europe voulait une armée forte, et, pour la rendre invincible, il ne ménageait rien.

Pour son organisation, il prévoyait tout, ne laissait rien au hasard.

C’est vous dire que la Garde — troupe d’élite entre toutes — devait donner l’exemple.

Souvent Bonaparte arrivait inopinément, faisait sonner l’assemblée, même en pleine nuit, et alors… en route !

On manœuvrait dur, comme en guerre, et gare aux fautes commises !

Autant le Premier Consul aimait à adresser des félicitations lorsqu’elles étaient méritées, autant il savait, d’un mot sec et tranchant, faire monter le rouge de la confusion au visage de celui qui s’était trompé.

Aussi chacun mettait-il toute sa volonté, tout son amour-propre à ne mériter que des éloges, et les reproches étaient bien rares. Cet amour-propre se faisait sentir, non seulement chez les soldats et les officiers, pris individuellement, mais chez les corps de troupe pris dans leur ensemble ; c’est ce qu’on nommait, c’est ce qu’on nomme encore aujour-