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Bien au contraire, fort de la promesse de Bonaparte à Saint-Jean-d’Acre, notre camarade marchait plein de confiance, le nez au vent, la démarche assurée, admiré des passants pour sa belle allure, ses galons d’or et son jeune visage hélé par les vents de la mer.

Tout en marchant, il tournait et retournait dans sa poche la tabatière en or qu’il avait reçue de Bonaparte à Saint-Jean-d’Acre, et dont il avait si souvent admiré en cachette, pendant sa captivité, la délicieuse miniature ornant le couvercle.

Arrivé devant le guichet Saint-Honoré, Jean s’arrêta devant un grand grenadier de la garde consulaire qui, l’arme à pied, montait sa faction.

— Camarade, dit-il, où peut-on s’adresser pour parler au Premier Consul ?

Mais l’autre sursauta :

— Tu n’as pas de toupet, sergent, dit-il en riant, tu crois donc qu’on entre chez lui comme dans un moulin.

— Non ! mais…

— Il n’y a pas de mais… Si tu as une lettre d’audience, fais la voir… j’appelle l’officier. Sinon, rien à faire.

— C’est si difficile que ça d’entrer, fit Jean un peu vexé.

— C’est la consigne.

Mais à cet instant le caporal du poste apparut et Jean poussa un cri de joie.

— Cancalot !

— Tapin ! Ah ! c’t’aventure ! Et d’où que tu sors ? T’es donc pas reste en Syrie ?

— Dame ! Tu vois !

Et tous deux, enchantés de la rencontre, se racontèrent leur odyssée respective.

Cancalot avait été, en 1799, après le départ de Jean pour la Syrie, affecté au service de Monge en qualité d’ordonnance. De la sorte il s’était trouvé rapatrié, avec Bonaparte, sur le vaisseau le Muiron, lorsque, avec Lannes, Berthier, Murat, Andréossy, Berthollet et Monge, le général avait, le 22 août 1799, regagné la France.

Versé ensuite dans le corps de Masséna, le Parisien avait fait la campagne de Suisse, s’était battu à Zurich ; puis, rentré à Paris, il avait été sous Desaix à Marengo.