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CHAPITRE XII

où louison devient madame cardignac


Une semaine plus tard — le jour de Noël — comme le soir tombait, Jean Tapin, juché sur l’impériale de la malle-poste de Normandie, apercevait, à travers les flocons blancs de la neige qui tombait depuis le matin, la silhouette grise et fumeuse de Paris, et une émotion poignante lui serra le cœur.

Son regard, troublé par des larmes qui coulaient malgré lui, chercha dans le massif sombre de la grande ville la place où devaient se trouver Lison, Catherine, ces êtres chers, qui sans doute ne l’attendaient plus, le croyaient mort peut-être !

Mais la nuit arrivait vite, et bientôt notre ami ne distingua plus rien que de l’ombre, avec des points de lumière qui scintillaient au loin ; et, l’âme remplie d’impatience et d’angoisse, il se mit à compter les minutes, les secondes, trouvant que chaque tour de roue durait un siècle !

Son anxiété du reste était compréhensible !

Songez, mes enfants, que, depuis 1799, Jean n’avait pu recevoir aucune nouvelle de ceux qu’il nommait à bon droit ses parents ! On était en décembre 1802 : c’est donc trois années pleines pendant lesquelles le jeune sergent était resté complètement isolé de ses plus chères affections…

« Vais-je seulement les retrouver ! songeait-il… Mon Dieu ! S’ils étaient morts !… »

Cette désolante pensée l’accompagnait depuis Cherbourg, où le commodore anglais les avait débarqués, Haradec et lui.