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CHAPITRE XI

prisonnier des anglais


En revenant à lui, Jean crut rêver.

Il était étendu sur le pont d’un navire ; les vergues et les cordages s’entrelaçaient au-dessus de sa tête, sur le fond gris des voiles gonflées ; une caronade de 32 dormait auprès de lui sur son affût, et un balancement dont le rythme lui était bien connu lui apprit que le vaisseau marchait.

Était-il donc sur un navire français, en route pour la France ?

Il fut bientôt détrompé ; les marins qui, devant ses yeux demi-clos, passaient avec leurs favoris roux, leur chapeau de toile cirée blanche, leur veste bleue et leur ceinture de cuir, n’avait rien de français, et bientôt, à quelques paroles qu’il ne comprit pas, mais dont la dure consonance le frappa, il reconnut des marins anglais.

L’un d’eux, en le voyant ouvrir les yeux, poussa une exclamation gutturale, et bientôt un officier, que Jean reconnut plus tard être un chirurgien, lui mit entre les lèvres le goulot d’une petite bouteille.

Le cordial ainsi administré était énergique ; il tira presque aussitôt le petit sergent de sa longue torpeur. Jean voulut se dresser sur son séant, mais il se sentit les jambes immobilisées.

Il les crut d’abord cassées toutes deux.

Pourtant, comme il ne ressentait qu’une affreuse courbature dans tout le corps, et aucune douleur dans les jambes, il fit un nouvel effort, se souleva pour regarder, et comprit tout.