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Il portait sous son habit une lanterne sourde, qu’il alluma une fois la porte franchie, il se trouvait dans un couloir assez long et très étroit, au bout duquel s’ouvrait une grande pièce, très haute de plafond ; des boulets y avaient pénétré, faisant voler en éclats les carreaux de faïence peinte qui garnissaient les murs.

Ce n’était pas là qu’il fallait disposer la mine, car vous n’ignorez pas, mes enfants, que les gaz, dégagés par la poudre, ne produisent tout leur effet que s’ils trouvent une résistance à vaincre, une paroi à briser. À l’air libre ou dans une pièce trop grande, ils fusent et n’explosent pas. Du moins, l’effet produit dans cette vaste pièce eut été insuffisant pour faire sauter une masse énorme comme la tour de Djezzar.

Jean savait cela, et le général Caffarelli le lui avait d’ailleurs expliqué. Il fallait trouver un coin, un réduit quelconque, dont les parois formeraient ce qu’on appelle le bourrage de la mine.

Une porte en fer se dessinait dans l’épaisseur du mur ; Jean fit signe à deux grenadiers de taille herculéenne ; tous deux s’arc-boutèrent, mais en vain : la porte résista.

« Attendez sergent, fit l’un d’eux ; voilà une serrure ; ça me connaît. »

Il introduisit son poignard dans le trou de la serrure, le tourna dans tous les sens, prit appui sur un ressort intérieur qui joua sans bruit, et la porte s’entr’ouvrit.

Mais qu’y avait-il derrière ?

« N’ouvrez pas, dit Jean à voix basse, au serrurier improvisé, et attendons… »

Les soixante hommes étaient montés, portant leurs sacs de poudre. Le petit sergent jugea que quarante d’entre eux au moins devenaient inutiles, et que c’était risquer leur vie en pure perte que de les conserver plus longtemps. Il leur fit déposer leur charge dans la grande salle, et leur donna l’ordre de repartir sans bruit par où ils étaient venus ; les vingt hommes restant transporteraient sans peine les sacs à l’endroit choisi.

Quand les derniers eurent disparu dans l’ombre du fossé, Jean revint vers la porte : Trophime le suivait.

« Reste là, dit-il à ce dernier : Je vais reconnaître seul. Si je siffle doucement, viens rejoindre avec les hommes apportant la poudre ; si je t’appelle par ton nom, accours vite ; c’est que j’aurai besoin d’aide. »