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l’art difficile de l’équitation sur le « vaisseau du désert », ainsi que l’appellent les Arabes nomades. Il lui montra comment on force l’animal à s’agenouiller ; comment on s’installe au sommet de la bosse couverte de longs poils, sur une selle appropriée ; comment on croise ses pieds sur l’encolure ; comment enfin on dirige l’animal par le jeu simultané des pieds et de la bride.

En moins de quinze jours, Jean Tapin arriva à trotter sur sa nouvelle monture, et même à trotter à une belle allure, car sachez qu’un cheval au galop suit difficilement un méhari de course — c’est le nom que ce genre de chameau porte aujourd’hui. — Dans tous les cas, il ne le suit pas longtemps, puisque le méhari arrive à faire cent et même cent cinquante kilomètres par jour, et cela pendant plusieurs jours de suite.

En un mois, le nouvel escadron fut formé : il comprenait cent soixante dromadaires. Murat vint l’inspecter et adressa des compliments au capitaine Dupuy qui le commandait. Jean vit donc de près, pour la première fois, celui qui devait être plus tard le grand maître de la cavalerie française. Amoureux du panache et des tenues extraordinaires, Murat portait ce jour-là un costume oriental : turban avec aigrette, pantalon large et grandes bottes de cuir rouge à glands d’or : sa selle était étincelante de broderies, et le cimeterre damasquiné à poignée d’argent qui y était suspendu, provenait d’un bey qu’il avait tué en combat singulier.

Sa revue passée, il caracola autour des nouveaux cavaliers, les plaisanta sur leur attitude et leur position, et, quelques jours après, l’escadron de dromadaires s’enfonçait dans le désert, pour préparer l’expédition de Syrie.

— Je reviendrai à la Neuvième, avait dit Jean à ses amis de la demi-brigade.

Et toutes les mains avaient pressé la sienne ; les vieux qui l’aimaient comme leur enfant, les jeunes gens qui l’admiraient comme un ancien lui souhaitèrent bonne chance.

Cancalot aurait voulu se faire admettre dans l’escadron nouvellement créé pour suivre son sergent ; mais le dromadaire qu’il avait enfourché pour éprouver ses aptitudes, l’avait plusieurs fois déposé piteusement sur le sable, et il avait dû se résigner à reprendre ses jambes comme moyen de locomotion — le train 11 diraient les cyclistes d’aujourd’hui.

La 9e demi-brigade ne devait pas faire partie d’ailleurs de l’expédition de