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— Ah bah !… Mais tu es trop petit. Tes parents ne seraient pas contents. Il faut rentrer chez toi, gamin.

— Je n’ai plus de parents. »

La physionomie souriante du colonel devint sérieuse.

« Tu es orphelin ? questionna-t-il avec intérêt.

— Oui, colonel.

— Ah ! tiens, tu connais les grades ?

— Oh oui ! J’aime tant regarder les soldats ! »

Il y eut un silence.

L’officier considérait l’enfant avec attention, le détaillant du regard, instinctivement intéressé par sa figure intelligente encadrée de longs cheveux noirs bouclés et éclairée par deux grands yeux sombres.

Puis brusquement :

« Il y a longtemps que tu es orphelin ?

— Mon père est mort il y a six semaines.

— Ah !… Et qu’est-ce que tu as fait depuis ?

— J’ai logé chez maître Sansonneau.

— Qu’est-ce que c’est, que ton Sansonneau ?

— Un marchand d’épices de la rue de la Huchette.

— Tu travailles chez lui ?

— Non ! plus maintenant ; il m’a renvoyé. »

Le colonel fronça les sourcils.

« Ah !… Et pourquoi ?… Tu es donc mauvais sujet ?

— Oh non ! mais je n’aime pas fabriquer les chandelles. »

L’officier sourit.

« Que faisait ton père ? reprit-il.

— Il était luthier.

— Et qu’est-ce que tu vas faire, à présent ? »

Jean eut un gros soupir. Il sentit les larmes lui monter aux paupières. Faisant un grand effort, il se domina et dit, presque à voix basse, mais du fond du cœur :

« Oh ! si vous vouliez m’emmener ! »

Cet appel était si sincère ; le ton dont Jean prononça la phrase était si suppliant, qu’il toucha l’officier. Caressant à nouveau la joue du gamin, le colonel murmura :