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— Dame ! Je l’ai vu de loin au Luxembourg et je donnerais mes galons pour le suivre.

— Tu y tiens tant que ça !

— De toutes mes forces… Tenez, général, je vais vous parler franchement, comme le général Bernadieu m’a appris à le faire.

— Parle, dit Kléber intéressé.

— Eh bien, on cause en ce moment d’une expédition extraordinaire que prépare Bonaparte.

— Ah ! ah ! tu sais ça aussi ?

— Comme tout le monde. Pas davantage. Eh bien, je voudrais en être. Il y eut un silence. Kléber réfléchissait.

Bonaparte préparait en effet sa fameuse expédition d’Égypte ; mais il en élaborait les plans dans le plus grand secret. Seul, le gouvernement et les généraux que le héros d’Italie comptait s’attacher savaient le but réel des travaux et des préparatifs fiévreux qui avaient lieu à Toulon, où l’on rassemblait toute une escadre.

Kléber était du nombre des lieutenants choisis par Bonaparte : il était donc bien renseigné. Mais le public se livrait aux hypothèses les plus invraisemblables.

Quant à Jean, peu lui importait. Ce qu’il voulait avant tout, c’était faire campagne sous Bonaparte. Que ce fut en Chine ou en Amérique, il s’en occupait fort peu.

— Mon garçon, dit enfin Kléber, tu es un de mes Mayençais, et de plus un petit gars qui n’a pas froid aux yeux. Viens donc me voir le mois prochain, un matin, chez moi, à Chaillot. Tiens, voilà mon adresse. Je m’arrangerai pour satisfaire ton désir.

Et il quitta notre petit ami qui rentra enchanté.

Jean n’eut garde de manquer à la visite autorisée par Kléber, et le 15 février 1798, il sortait de la maison du général, en proie à un véritable enthousiasme.

Il venait d’apprendre que la neuvième demi-brigade, en garnison pour le moment à Colmar, devait faire partie de l’expédition du général Bonaparte.

Aussi, malgré le désespoir de Lison, la tristesse de Catherine et les supplications de Sansonneau et de sa femme, Jean Tapin, d’ailleurs complète-