Effectivement le passage du Rhin s’effectua sans encombre ; le soir même Jean était installé à l’hôpital militaire.
Sa blessure ne mettait pas sa vie en danger ; mais elle l’immobilisait, et la guérison radicale devait être très longue.
Heureusement pour notre petit ami, ce ne fut pas le docteur Lapoule qui le soigna ; sans quoi il eut risqué fort de porter une jambe de bois pour le restant de ses jours, comme La Ramée.
Chaque après-midi il recevait la visite de Belle-Rose, de Jolibois, ou de quelques autres camarades de la neuvième ; et un matin, ce fut Moreau lui-même qui vint le visiter.
— Mon enfant, dit-il, le médecin m’assure que tu vas un peu mieux. Je vais te donner un remède pour achever de te guérir. D’abord je te nomme sergent.
— Oh ! merci, général !
— De plus, j’ai reçu une demande de congé pour toi, d’une certaine dame Catherine qui s’intéresse à ton sort. Je lui fais répondre que, dès que tu seras transportable, elle vienne te chercher. Es-tu content ?
S’il était content, je vous le laisse à penser, mes enfants !
Aussi le petit sergent devint-il d’une impatience extrême, demandant chaque jour au médecin :
— Je vais bientôt pouvoir me lever, n’est-ce pas, citoyen major ?
— Patience ! Patience ! lui répondait invariablement le chirurgien.
Le fait est qu’il lui en fallait, de la patience, au pauvre petit Tapin !
Entré à l’hôpital de Strasbourg le 15 octobre 1796, il dut rester étendu dans son lit jusqu’à la fin de décembre. Et, même à ce moment, il ne fut autorisé à faire que de courtes promenades d’un quart d’heure, appuyé sur des béquilles.
C’est ainsi que Catherine le trouva lorsqu’elle arriva à Strasbourg, un mois plus tard, le 26 janvier 1797. Je renonce à vous dépeindre la scène de joie et de larmes qui eut lieu.
Toujours est-il que, six jours après, Jean, confortablement installé dans une berline louée tout exprès par Sansonneau, partait pour Paris avec Catherine, non sans avoir fait ses adieux à tous ses amis de la neuvième, y compris Belle-Rose. Son dernier mot avait été : « Je reviendrai » et tous les anciens lui avaient répondu :