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enfilant le pont au Change rempli de monde, il se dirigea vers la place de Grève.

La « Grève », comme on disait alors, était le centre réel de tout le mouvement parisien, et ce jour-là surtout, 27 août 1792, il y régnait une véritable effervescence.

Sur le terre-plein, face à l’ancien Hôtel de Ville, la foule formait comme une mer houleuse.

Des cris, des discussions s’élevaient ; les bras s’agitaient, les visages ainsi que les paroles exprimaient la colère et l’exaltation. Des groupes se formaient au coin des boutiques où l’on discutait avec passion les mauvaises nouvelles des frontières ; des crieurs passaient, fendant la foule et annonçant, à pleins poumons, les nouvelles contenues dans les journaux qu’ils vendaient.

Des chants de guerre volaient au-dessus de la foule, et on voyait arriver de partout, tambour en tête, des groupes compacts d’hommes de toutes classes, de toutes professions, — beaucoup étaient armés de fusils, de sabres et de piques — qui traversaient cette mer humaine, aux acclamations de toutes les poitrines. Ils se dirigeaient alors vers les quatre estrades de bois, ornées de drapeaux tricolores émergeant au-dessus du peuple et surmontées elles-mêmes d’un poteau et d’un écriteau sur lequel ces mots


La patrie en danger


étaient peints en grosses lettres rouges.

Sous la tente de toile qui les abritait, des commissaires municipaux ceints d’écharpes tricolores, et des officiers de l’armée, assis ou debout autour de tables grossières, recevaient les engagements volontaires qui se succédaient sans interruption et en si grand nombre qu’on en comptait jusqu’à quinze mille en un jour.

Ah ! quel enthousiasme !

Les formalités étaient simples ; et il le fallait bien, car le temps eut manqué.

Un homme se présentait :

« Ton nom, citoyen ? » demandait l’officier.

L’homme donnait son nom, son âge, sa profession, son domicile.