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« J’aurais bien des choses à vous dire, par exemple que nous avions un ballon, attaché avec des cordes, qui planait en l’air pour examiner les Autrichiens. Mon général m’a expliqué qu’il était gonflé avec de l’air chaud ; la nacelle était montée par le capitaine Coutelle, et il paraît que c’est la première fois qu’on se sert à la guerre d’un engin pareil : il fallait plus de vingt hommes pour le retenir et je vous assure que c’était bien curieux ! Mais le temps me manque, car le courrier va partir.

« J’ai juste le temps de vous embrasser, ma chère maman Catherine, et puis ma Lison aussi, et puis aussi maître et maîtresse Sansonneau.

« Au revoir, et bon courage !

« Mon général vous envoie ses meilleurs souvenirs.

« Votre petit
« Jean Cardignac
« qui vous aime. »

En lisant ce naïf récit, Catherine dut s’interrompre souvent, car elle pleurait. Lison, enfiévrée cependant par le courage de son petit ami, sanglotait aussi. Les larmes avaient gagné jusqu’à Sansonneau qui grommela :

« Samprebleu de samprebleu ! C’est décidément un gaillard que cet enfant-là ! »

Et le gros marchand qui, pourtant, n’était rien moins que belliqueux, s’écria :

« Vive la nation ! Quand un pays a de pareils enfants pour le défendre, que doivent donc être les hommes ! »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Dans sa naïveté d’appréciation, la lettre de Jean Tapin décrivait — il faut le reconnaître — avec beaucoup d’exactitude le point capital de cette bataille qu’on nomme dans l’histoire la bataille de Fleurus.

Elle est mal baptisée, en ce sens que le village de Fleurus, compris dans la zone d’action des armées en présence, n’y joua cependant qu’un rôle secondaire.

L’action décisive se livra à Lambusart : elle devrait donc logiquement s’appeler la bataille de Lambusart, mais on préféra lui donner celui de Fleurus, illustré autrefois par le duc de Luxembourg.