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ce jour nous nous sommes battus comme des enragés ; mais nous sommes vainqueurs ! Vive la nation !

« J’écris sur le fond d’un tonneau, à la lueur d’une lanterne. Je suis installé dans une écurie démolie, au toit effondré, où mon général a pris son quartier.

« Il est en ce moment en train de donner ses ordres ; c’est pour ça qu’il n’a pas le temps de vous écrire lui-même, et qu’il m’a chargé de le faire. Je vous assure, maman Catherine, que c’est un bien gros plaisir pour moi.

« D’abord soyez sans inquiétude, car le général Bernadieu et moi nous nous portons bien ; nous n’avons pas une égratignure ; mais par exemple ce n’est pas la faute des Autrichiens !

« Premièrement il faut que je vous dise que notre voyage s’est bien passé.

« Nous sommes arrivés au quartier du général Jourdan le 28 prairial, juste le soir d’une bataille malheureuse qui avait forcé l’armée de Sambre-et-Meuse à repasser la Sambre.

« Tout de suite on a donné à mon général le commandement de la brigade légère, dans la division du général Marceau.

« Ah ! le joli et brave général que nous avons là pour nous commander !

« Tout jeune ! Et, malgré ça, courageux, fort et puis si beau dans sa tenue de hussard ! Moi, je l’ai tout de suite aimé ! Et mon général aussi, car il m’a dit en sortant de causer avec Marceau : « Vois-tu, Jean, nous sommes commandés par un homme !

« C’est du reste Marceau qui m’a fait donner le plus petit cheval qu’on a pu trouver ; il est tout de même plus grand que Mirliflor, mais je l’aime autant parce qu’il est à la fois vif et doux. C’est une belle jument grise qui s’appelle « Aigrette » ; un joli nom, n’est-ce pas, ma Lison ?

« Nous sommes restés plusieurs jours à nous préparer ; pendant ce temps, j’ai eu l’occasion de revoir le général Kléber, qui est revenu de Vendée, et qui a un commandement dans Sambre-et-Meuse.

« Si seulement il avait eu la bonne idée de ramener la 9e avec lui !

« Kléber m’a embrassé, maman Catherine ! Il m’a dit que j’étais un beau petit hussard !

« Enfin nous avons repris l’offensive, et le 25 juin, c’est-à-dire hier, nous bombardions Charleroi.