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« Seulement, poursuivit sa femme, modère-toi ; tu ferais mieux de ne pas causer du tout… Vois-tu qu’on vienne te prendre entre quatre baïonnettes,
Bernadieu, maréchal de camp.
pour t’emmener en prison comme notre voisin, maître Balilard, le chaussetier… Tu sais pourtant ce qui lui est arrivé ! »

À ces mots, la face du vendeur d’épices, de rouge qu’elle était devint livide ; un frisson lui parcourut le corps.

En effet, son voisin avait été arrêté l’avant-veille sur une dénonciation ; cela pour avoir dit une parole insignifiante en elle-même.

« C’est égal, avait déclaré ce malheureux, tous nos assignats de papier ça ne vaut pas un pauvre écu d’argent, ni même un liard au Roy ! »

Cela avait suffi. Maître Balifard, arrêté, emprisonné, avait été jugé par le tribunal révolutionnaire et bel et bien condamné à mort comme aristocrate ».

Hélas ! c’était ainsi, à cette terrible époque qu’on a justement baptisée : « La Terreur ».

Une fièvre de soupçon agitait les masses populaires ; conséquence inévitable de l’invasion et de l’anarchie intérieure qui poussaient aux résolutions extrêmes ceux qui avaient la lourde responsabilité du gouvernement de la France.

Pendant de longs mois un vent de haine et de délation courba les têtes et terrorisa les âmes.

Jean Tapin vivait au milieu de ces passions déchaînées sans les bien