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cipal, furent rejetés dans Mayence. Ils s’y enfermèrent et presque aussitôt l’investissement de la place commença.

On était au début d’avril 1793.

Les généraux Kléber, Aubert-Dubayet et Meunier commandaient les troupes, de concert avec le représentant du peuple Merlin. Leur premier soin, en se trouvant ainsi cernés, fut d’inventorier les ressources en vivres.

En effet, dans une ville assiégée, il ne suffit pas d’avoir des soldats bien armés, bien disciplinés et pourvus de munitions ; les soldats, pour bien se battre, ont besoin d’être bien nourris. C’est pourquoi, je vous l’ai déjà dit, le service des approvisionnements joue à la guerre un rôle si prépondérant.

Or, à Mayence, le cas d’un siège n’avait pas été prévu ; les magasins ne contenaient qu’une quantité restreinte de grains et de farine.

Quant à la viande fraîche, elle faisait presque totalement défaut, puisqu’on n’avait pas eu le temps de rentrer du bétail, et en même temps du fourrage pour l’alimenter.

Est-il besoin de vous dire, mes enfants, qu’à cette époque les conserves (d’un usage si courant et si pratique aujourd’hui) n’existaient pas encore ? En fait de conserves, on ne connaissait que les salaisons et les viandes fumées.

Mais — rien n’ayant été préparé — il n’en existait que fort peu dans la ville. Les légumes secs eux-mêmes étaient rares, puisqu’on en avait consommé une grande quantité pendant l’hiver qui venait de finir.

Vous voyez que la situation n’était certes pas brillante.

— Ma foi, tant pis ! — dit Kléber de sa grosse voix, à la fois bonne et rude — si nous sommes forcés de manger nos bottes, nous verrons bien. En attendant, tachons de faire rentrer un peu de bétail qu’on abattra et qu’on salera… Ce sera toujours autant de pris sur l’ennemi… en même temps, cela peut nous donner de l’air, nous permettre d’enlever une position et de tendre la main à Custine… Enfin, ça empêchera les hommes de songer qu’ils ont le ventre creux !

Et le général se mit à rire.

C’est ainsi que, le 11 avril, une vigoureuse sortie de nuit fut décidée.

Nos troupes sortirent de Cassel — faubourg de Mayence — se dirigeant silencieusement vers une forte position ennemie qu’on voulait enlever par surprise.

Par malheur, dans l’une de nos colonnes qui s’avançaient dans l’ombre,