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LETTRES D’UN INNOCENT

Merci de toutes les nouvelles que tu me donnes des nôtres. Dis-leur que j’ai souvent pensé à eux, à la douleur qu’ils devaient éprouver. Il faut nous lier en un faisceau inébranlable que rien ne saurait briser ; notre vie pure et honnête, tout le passé de toutes nos familles, notre dévouement à la France sont les meilleures garants de ce que nous sommes.

J’ai reçu aussi deux bonnes lettres de J. et de R. Elles m’ont fait grand plaisir.

Merci aussi des nouvelles que tu me donnes des enfants. Ah ! les pauvres chéris ! Quelle joie j’aurais à pouvoir les embrasser, ainsi que toi, ma bonne chérie. Mais je ne veux pas me laisser aller sur un pareil sujet, car alors tout se fond en moi…

L’amertume me monte du cœur aux lèvres… et il me faut toutes mes forces.

Remercie M., ainsi que tous mes frères et sœurs, ainsi que toute la famille, de ce qu’ils font pour moi. Embrasse-les bien de ma part.

Je m’arrête ici, car tous les souvenirs du bonheur que j’avais entre vous tous ravivent ma douleur.

Avoir tout sacrifié à son pays, l’avoir servi avec un entier dévouement, avec toutes ses forces, avec toute son intelligence… et se voir accusé d’un crime aussi épouvantable ! Non… non… !

Écris-moi souvent, écris-moi longuement. Mes meilleurs moments sont ceux où je reçois des nouvelles de vous tous.

Mille baisers pour toi et les enfants.

Ton dévoué,
Alfred.
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