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cher de la chaîne du raisonnement une phrase toute seule, sans savoir comment elle se relie à ce qui précède et à ce qui suit. Faites entrer en compte, au nom des lois de la logique, que ceci a été dit par un homme qui, comme tous les écrivains de sa trempe, n’aimait pas à s’étendre et à développer sa pensée jusqu’à la rendre abordable à l’intelligence des profanes. À bon entendeur salut ! C’est le même Napoléon qui a dit « qu’à la guerre les trois quarts du succès dépendent des causes morales ». Si l’on aligne les deux phrases on comprend parfaitement dans quelles conditions les gros bataillons peuvent avoir raison. Mais, pour le but qu’il poursuit, Tolstoï n’a pas besoin de comprendre. Et il est clair qu’il ne comprend pas, ou qu’il n’a pas tout lu jusqu’au bout.

« Les gens qui ont le plus grand désir de se battre se placent toujours dans les positions les plus avantageuses pour se battre ».

Cet aphorisme est absolument faux, car se placer dans la position la plus avantageuse pour se battre, c’est de la technique. Cela rentre dans le domaine des dispositions et non dans celui de l’exécution ; autrement dit, cela dépend plutôt de l’intelligence que de l’énergie de la volonté. Certes ce n’est pas l’envie de se battre qui a fait défaut aux Romains à Trasimène, et pourtant ils ont été bien loin de se mettre dans la meilleure position pour combattre. Ce n’est pas non plus l’envie de se battre qui a manqué à nos troupes à Friedland, par exemple, et cependant leur position était aussi défectueuse que celle des Romains à Trasimène.

Après avoir reproché à la théorie de la guerre de sous-entendre sous l’idée de force le nombre et rien que le nombre, l’auteur va plus loin et indique la méthode la plus sûre, suivant lui, de découvrir les lois qui régissent le combat. La preuve de la justesse de sa méthode est encore à faire ; la seule chose incontestable c’est que cette méthode n’est pas maligne. Que le lecteur en juge. Une simple proportion, dit l’auteur, suffit pour déduire les lois auxquelles se conforment les phénomènes physiques les plus complexes, non seulement chez un homme, mais même dans toute une masse d’individus. En admettant par exemple que 10 unités de combat se battent contre 15 unités et fassent une perte égale à 4, mais tuent ou fassent prisonnière