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pas le dire, de peur de dénoncer un autre officier Voilà l’homme modeste qui commence à perdre et qui risque de perdre, d’autant plus que l’exploit qu’il a accompli est plus élevé Mais enfin il est sauvé, comme on sait, par le prince André, qui expose carrément ce qu’a fait la batterie, et la situation où elle se trouvait au moment où est arrivé l’ordre de la retraite. Je regrette cette intervention du prince André, car le plus souvent, en réalité, les choses se passent comme dit Trochu. Du reste, le prince André ne fut cru qu’à demi.

Ne sont-ils pas bien vivants tous ces personnages de fiction ? Ne souffrent-ils pas, ne meurent-ils pas, n’agissent-ils pas, ne mentent-ils pas, ne commettent-ils pas des actes de bravoure et de lâcheté comme de vrais hommes ? Voilà ce qui les rend si hautement instructifs. Voilà pourquoi il faudra plaindre avec raison le chef qui ne tirera pas profit du récit de Tolstoï pour écarter soigneusement de lui les Jerkoff, pour chercher d’un œil perspicace et tâcher de reconnaître les Timokhine et les Touchine, pour se mettre en garde, avec la plus prudente sagacité, contre les héros du genre de Jerkoff, ou de ce chef de régiment de la revue de Braunau, si correct et si brillant narrateur après le combat.


II.


L’auteur de Guerre et Paix ne se contente pas de représenter des scènes de guerre et des types militaires ; il se livre, en outre, à des discussions théoriques sur certaines questions, dans le genre de celles-ci, par exemple :

L’art de la guerre admet-il une théorie quelconque ?

Quel est le rôle du commandant en chef de l’armée ?

À quelles causes peut-on attribuer un événement historique colossal comme celui de 1812 ?

Si, dans l’examen des opinions émises par l’auteur sur ces différentes questions, il nous arrive parfois de nous répéter, cela tient à ce qu’une seule et même idée se trouve souvent reproduite plusieurs fois dans l’ouvrage, bien que sous une forme différente.

Il est nécessaire d’abord de bien distinguer la manière de voir de l’auteur de celle du prince André, quoiqu’elles aient l’une et l’autre beaucoup de commun. Le prince André, en effet, tant par