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à la synthèse. C’est pour ce double motif (raisonnement géométrique par l’absurde et analyse sans synthèse) que tout chez lui se dissout, se contredit, et il s’imagine qu’il n’en peut être autrement. Il sent pourtant qu’il y a là quelque chose qui cloche et c’est ce qui le porte aux extrêmes et à se lancer dans l’inaccessible. En un mot, ne voyant pas la cause de cette dissonance (car elle est en lui-même), il se tranquillise en pensant que cette cause est en dehors de la portée de l’homme. Les réactifs de l’esprit sont comme ceux de la chimie : pour bien les employer, il faut connaître leurs propriétés ; sinon on parvient bien encore à décomposer tant bien que mal, mais on ne sait pas composer.

C’est précisément ce qui est arrivé à Tolstoï. Comme le lecteur se le rappelle, pour lui le lien entre les coryphées et les masses est encore à trouver. Il en est de même du lien entre les idées dominantes à une époque déterminée et ces mêmes masses. Des ordres qui visent manifestement la réalisation d’un seul et même but n’ont entre eux, d’après lui, rien de commun, etc. Cela ne vous fait-il pas penser à un chimiste qui, ne sachant comment composer de l’eau, après avoir su la décomposer, s’imaginerait de déclarer qu’il n’existe pas d’eau dans la nature, qu’il n’y a que de l’oxygène et de l’hydrogène, gaz absolument différents par leurs propriétés et n’ayant entre eux rien de commun.