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vague « qui écume à la proue et semble de loin s’avancer par sa propre impulsion et même diriger le mouvement du navire (!) » Il faut une lunette avec des verres enchantés pour voir tout cela. La vague ne fait pas corps avec le navire, comme une masse et celui qui la commande. Voilà où l’on en arrive pourtant…

Pour terminer la série de ses essais de métaphysique, Tolstoï dit entre autres :

« Sous le rapport moral, la cause de l’événement c’est le pouvoir ; sous le rapport physique, ce sont ceux qui obéissent à ce pouvoir. Mais comme toute activité morale implique nécessairement une activité physique (et réciproquement, dirons-nous), la cause de l’événement n’agit ni dans l’une ni dans l’autre en particulier, mais dans l’ensemble de toutes les deux ».

« Ou, en d’autres termes, l’idée de cause est inapplicable au phénomène que nous examinons ».

Voilà une traduction bien libre de l’idée précédente, si libre que nous sommes incapable d’apercevoir la moindre liaison logique entre la traduction et l’idée originale. La cause du phénomène gît dans l’action commune de deux forces ; par conséquent, l’idée de cause ne lui est pas applicable. C’est tout bonnement absurde, à moins qu’il ne se cache là-dessous quelque sens secret, inaccessible aux profanes.

Plus loin, l’auteur traite du libre arbitre de l’homme et de la loi de la fatalité. C’est encore le même genre ; dans la dernière partie, les scènes font complètement défaut ; il n’y a plus que des raisonnements étranges et souvent même tout à fait incompréhensibles qui ne font qu’alourdir inutilement une œuvre littéraire de ce genre.

Si l’auteur est incapable de se retenir, si doué de facultés imaginatives très remarquables, il aime mieux se lancer dans la métaphysique, alors il aurait bien fait de prendre au moins la peine de se familiariser davantage avec les méthodes des études théoriques, afin de les appliquer avec plus de compétence aux questions qu’il examine. Avec la seule méthode géométrique de réduction à l’absurde, on ne peut pas aller très loin. L’auteur est bien arrivé déjà à se rendre compte que, pour étudier une question quelconque, il faut la décomposer en ses éléments constitutifs. Mais il n’est pas parvenu encore à s’apercevoir qu’il faut recomposer ensuite ces éléments, c’est-à-dire passer de l’analyse