Page:Dragomirov - Guerre et paix de Tolstoï au point de vue militaire.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 104 —

trouve que l’ordre ne peut dans aucun cas être la cause de l’événement[1], quoiqu’il existe entre le premier et le second une certaine dépendance. » — Que les simples mortels appellent le rapport de cause à effet, ajouterons-nous pour notre part.

Une phrase plus loin :

« Ce rapport de celui qui ordonne à ceux qui reçoivent ses ordres est précisément ce qu’on appelle le pouvoir ».

Une page plus loin :

« C’est ce rapport des personnalités qui ordonnent à ceux qui reçoivent leurs ordres qui constitue l’essence même de cette idée qu’on nomme le pouvoir ».

Répète, répète. À force de répéter, on finira par te croire. Il y a cependant un écart entre les deux définitions : c’est que, dans la première, le pouvoir est considéré comme un fait concret, et que, dans la seconde, il est seulement envisagé comme idée.

Après une série de variations sur le même thème, l’auteur arrive aux conclusions suivantes : « Les ordres sont rarement exécutés. Ce sont ceux qui les donnent qui participent le moins aux événements ». C’est un rôle bien étrange que le leur, suivant Tolstoï. Il n’aboutit à rien. Quel malheur que l’humanité ait vécu six mille ans avant d’avoir la veine de tomber sur cette merveilleuse découverte, autrement elle aurait pu jeter bien du lest inutile par-dessus bord.

L’auteur n’a garde de la lâcher, sa merveilleuse découverte. Il la mâche et la remâche et la retourne par tous les bouts. Des paysans portent une poutre : « Celui d’entre eux dont les mains étaient le plus occupées, était aussi celui qui pouvait le moins penser à ce qu’il faisait, le moins combiner ce qui pouvait résulter de l’effort commun, le moins commander aux autres. Celui qui les dirigeait, occupé de parler (remarquez bien : pas de penser, de parler seulement), était évidemment aussi celui qui pouvait le moins faire avec ses mains. »

Même ritournelle un peu plus loin. Mais cette fois, c’est un bateau qui marche devant lequel il y a, comme toujours, une

  1. Qui est-ce qui en a jamais douté ? Tout le monde est d’accord pour affirmer que les circonstances provoquent l’événement et que la série des ordres constitue l’analyse de l’idée fondamentale de l’événement qui doit se produire.