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d’une 60 HP Daimler, dont le ronflement grave, égal, proclamait d’autre part la puissance. Elle filait de toute sa vitesse, pareille à un galion d’Espagne, haute de poupe et chargée de trésors, dont la barque d’un écumeur des mers arrête inopinément la course. À peine avait-elle fait halte devant la Rolls-Royce qui lui présentait le travers, la portière de la Daimler s’ouvrit, le voleur en vit sortir une tête mauvaise congestionnée par la fureur ; il aperçut de grosses joues ballottantes, de petits yeux finauds qui brillaient entre des plis de graisse.

— Hors de mon chemin, Monsieur ! Hors de mon chemin, et plus vite que ça ! cria une voix. Passez-lui dessus, Hearn ! Ou plutôt, descendez, enlevez-le de son siège. Il est saoul, je vous dis que ce type est saoul !

On peut admettre que le voleur avait, jusque-là, gardé dans ses procédés une modération relative. Cette fois, un véritable accès de rage s’empara de lui. Excité par la voix qui venait de la limousine, le chauffeur, grand gaillard vigoureux, s’était élancé à terre et l’avait pris à la gorge : d’un coup de crosse, il l’étendit gémissant à ses pieds, l’enjamba, ouvrit toute grande la portière, attrapa férocement par l’oreille le gros personnage qui occupait la limousine, et l’entraîna tout soufflant sur la chaussée, où, délibérément, il le gifla deux fois. Les deux gifles retentirent comme une double détonation dans le silence nocturne. Le gros personnage blêmit et tomba, demi-évanoui, contre le flanc de la limousine. Le voleur lui défit le veston, lui arracha la montre, sans excepter la chaîne, qui était d’or massif et surchargée de breloques, cueillit l’épingle de diamant piquée dans le satin noir de la cravate, ôta des doigts quatre bagues, dont la moindre va-