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labourées dont pas un bruit ne s’élevait, qu’on ne pouvait croire un tel paysage hanté par l’esprit du meurtre. Et cependant, la pâleur du jeune chasseur, l’expression sérieuse répandue sur ses traits, témoignaient bien qu’il en avait vu assez aux abords de la maison pour savoir à quoi s’en tenir.

Ferrier avait pris le sac plein d’or et les billets de banque ; Jefferson Hope s’était chargé des menues provisions ainsi que de l’eau, et Lucy portait un petit paquet contenant ce qu’elle possédait de plus précieux. Ouvrant la fenêtre aussi doucement que possible, ils attendirent le passage d’un nuage épais qui vint obscurcir la nuit, puis l’un derrière l’autre ils se mirent à traverser le jardin ; rampant, trébuchant, retenant avec soin leur respiration, ils parvinrent à gagner l’abri de la haie, qu’ils voulaient longer jusqu’à la brèche donnant dans les champs. Ils allaient l’atteindre lorsque le jeune homme saisissant tout à coup ses deux compagnons les repoussa violemment dans l’ombre où ils se tinrent tous les trois silencieux et tremblants.

Élevé dans la prairie, Jefferson Hope devait à l’existence nomade qu’il avait toujours menée une ouïe extraordinairement développée ; ce fut heureux pour les trois fugitifs ; car à peine s’étaient-ils tapis contre la haie qu’ils entendirent tout près d’eux le hululement mélancolique d’un hibou de montagnes, auquel répondit aussitôt et à une petite distance un