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de neuf il était devenu riche et, au bout de douze, il n’y avait pas dans tout Salt Lake City plus de cinq à six richards qui pussent rivaliser avec lui. Des bords de la grande mer intérieure jusqu’aux lointaines montagnes de Wahsatch, pas un nom n’était plus honorablement connu que celui de John Ferrier.

Sur un point cependant, mais sur celui-là seul, il est vrai, il éveillait la susceptibilité de ses coreligionnaires. — Conseils et arguments, tout était venu échouer contre son inflexible volonté quand on avait voulu le décider à se pourvoir de femmes à l’exemple de ses compagnons. Jamais il ne consentit à motiver un refus si formel ; il se contenta de persister dans sa détermination avec l’obstination la plus inébranlable. Les uns l’accusèrent de tiédeur pour sa religion d’adoption, d’autres d’avarice, ajoutant qu’il craignait de se voir entraîné à de trop grandes dépenses. D’autres encore parlaient d’une vieille histoire d’amour et d’une jeune fille blonde des rives de l’Atlantique qui serait morte pour lui de langueur et de désespoir. Quoi qu’il en fût, Ferrier restait un célibataire endurci. D’ailleurs, sur tous les autres points, il se conformait à la religion de la nouvelle colonie et se fit ainsi, malgré tout, la réputation d’un homme très ferme et très orthodoxe dans sa foi.

Lucy Ferrier grandit dans la cabane de son père adoptif, l’assistant dans tout ce qu’il entreprenait.