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moment où l’Ivernia arrivait à cinq cents milles de Southampton, se succédèrent, nous apportant les offres énormes des agences et des journaux en échange de quelques mots sur les résultats positifs de notre voyage, pour nous montrer à quel point était tendue non seulement la curiosité du monde scientifique, mais celle du public en général. Nous décidâmes néanmoins de ne faire aucune communication à la presse qu’après avoir causé avec les membres de l’Institut Zoologique : délégués par lui, tenant de lui un mandat, nous lui devions les premiers renseignements sur nos recherches. À Southampton, assaillis par les journalistes, nous refusâmes toute information, ce qui eut pour effet de concentrer la curiosité publique sur la réunion annoncée pour le soir du 7 novembre. La salle de l’Institut, où notre mission avait pris naissance, parut en cette occasion insuffisante, et, tout compte fait, l’on ne trouva d’assez vaste que Queen’s Hall, dans Regent-Street. On sait aujourd’hui que les promoteurs, après avoir songé à l’Albert Hall, le jugèrent de proportions encore trop restreintes.

La réunion devait avoir lieu le surlendemain de notre arrivée. Nous avions, Dieu merci, pour nous occuper jusque-là, suffisamment d’affaires personnelles. Des miennes, j’aime mieux, pour l’instant, ne rien dire ; peut-être quand les faits seront moins récents me sera-t-il moins pénible d’y songer et d’en parler. J’ai fait connaître, au début de cette histoire, les motifs de ma conduite ; je devrais, sans doute, pour conclure, en faire connaître les résultats. Qui sait pourtant s’il ne viendra pas un jour où je regretterais que ce qui a été n’eût pas été ! Au sortir d’une incroyable aventure, je ne saurais avoir que de la gratitude pour la force qui m’y poussa.

Je touche à l’événement suprême. Tandis que je me demande comment le raconter, mes yeux tombent sur le compte-rendu publié, dans mon journal même, à la date du 8 novembre, par mon camarade et ami Macdona. Pourrais-je faire mieux que de le reproduire ? Je conviens que le journal, en raison de sa participation à l’entreprise, montrait quelque exubérance mais les autres grands quotidiens furent à peine moins sobres de détails. Voici ce qu’écrivait Macdona :

LE NOUVEAU MONDE

GRANDE RÉUNION AU QUEEN’S HALL
SCÈNES TUMULTUEUSES
UN INCIDENT EXTRAORDINAIRE
QU’ÉTAIT-CE ?
MANIFESTATION NOCTURNE

DANS REGENT STREET

« La réunion, si discutée par avance, de l’Institut Zoologique, à l’effet d’entendre le rapport de la Commission d’Enquête envoyée l’an dernier dans le Sud-Amérique pour vérifier les assertions du Professeur Challenger relativement à la continuité de la vie préhistorique sur ce continent s’est tenue hier dans la grande salle de Queen’s Hall, et il convient de dire que, selon toute probabilité, l’histoire de la science en marquera la date d’un caillou blanc, car elle donna lieu à des incidents sensationnels, inoubliables pour tous ceux


RÉSUMÉ (suite)

muraille circulaire. Enfin, Challenger s’avise d’un moyen héroïque. En face de la falaise se dresse une aiguille rocheuse d’égale élévation, dont l’escalade est, sinon facile, du moins possible, et qui est surmontée d’un hêtre. Cet arbre, abattu, servira de pont. En effet, l’opération ayant réussi, les explorateurs prennent pied sur le sol mystérieux vers lequel les a guidés Challenger. Mais, aussitôt, la lâche trahison de deux métis, Gomez et Manoël, qu’ils s’étaient adjoints à Manaos, et qui viennent de précipiter dans l’abîme le pont improvisé, les sépare, peut-être pour jamais, de la terre civilisée, avec laquelle ils n’ont plus de lien qu’en la personne du fidèle nègre Zambo, demeuré au bas de la falaise. Remettant à plus tard le souci de s’évader du « Monde perdu », les voyageurs commencent à l’explorer et y font de fantastiques découvertes : ils voient s’ébattre dans une clairière toute une famille d’iguanodons, sorte de monstrueux kangourous ; ils sont attaqués par des ptérodactyles, qui ont un corps de serpent avec des ailes de chauves-souris ; ils sont menacés, enfin, dans leur campement même, par un monstrueux dinosaurien. Puis Malone, ayant escaladé un arbre et rencontré dans le feuillage un hideux homme-singe qui s’est enfui à son approche, entreprend à l’insu de ses compagnons endormis, la nuit venue, une promenade solitaire, dans l’espoir de découvrir de nouveaux prodiges. Au cours de sa dangereuse escapade, il constate avec émotion, à la vue de nombreuses lumières qui scintillent dans le lointain,