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et convulsées nous emplirent d’épouvante. L’impression m’en demeure si forte, si aiguë, que je crois revivre notre lente descente vers la gare : voici la bonne d’enfant avec ses deux petits, le vieux cheval agenouillé entre les brancards, le cocher en travers du siège, le jeune homme de l’intérieur prêt à sauter par la portière ouverte ; plus bas, six moissonneurs, tombés en désordre les uns sur les autres, et dont les yeux morts regardent fixement la clarté du ciel. Tout cela, je le revois comme dans une photographie. Mais bientôt, par la clémente organisation de la nature, mes nerfs surexcités cessèrent de s’émouvoir. L’horreur, à force d’être immense, perdait tout accent particulier. L’individu disparaissait dans le groupe, le groupe dans la multitude ; ou ne voyait plus dans chaque scène que le phénomène universel, qu’on finissait par accepter comme une sorte de détail inévitable.