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DE SHERLOCK HOLMES

sons du pays et me renseignais sur les gens qui les habitent. Une d’elles, et une seule, fixa mon attention. C’est la vieille et fameuse métairie de High Gable, contemporaine des Stuarts, située à un mille de l’autre côté d’Oxshott, à moins d’un demi-mille de la scène du drame. Les autres avaient pour propriétaires d’honnêtes et prosaïques personnes dont la vie excluait toute idée de roman ; au contraire, M. Henderson, de High Gable, était, sous bien des rapports, un homme peu banal, à qui pouvaient fort bien arriver des aventures peu banales. Je concentrai donc mon attention sur lui et sur son personnel.

« Personnel et maître forment ensemble un groupe singulier, Watson ; et le maître n’est pas le moins singulier du groupe. Je sus inventer un prétexte pour le voir ; mais dans ses yeux sombres, profondément enfouis sous le front et parfois songeurs, il me sembla lire qu’il devinait l’objet réel de ma visite. C’est un homme vigoureux, alerte, grisonnant, les sourcils touffus et noirs, le pas d’un cerf, l’air d’un empereur, un homme farouche, autoritaire, âme de feu sous un masque parcheminé, dans un corps souple comme une cravache ; s’il n’est pas étranger, il a dû, tant il est jauni et desséché, habiter longtemps les Tropiques. Du moins n’y a-t-il aucun doute possible sur l’origine étrangère de son secrétaire et ami, M. Lucas : celui-là est un personnage de couleur chocolat, artificieux, exquis, félin, avec des façons de parler dangereuses, douceâtres. Ainsi, Watson, nous nous trouvons en présence de deux groupes d’étrangers, l’un à Wisteria Lodge, l’autre à High Gable : nos lacunes se comblent.

« Cet Henderson et ce Lucas, unis d’étroite amitié, forment, à High Gable, le centre de la maison. Il s’y ajoute une troisième personne qui, pour nos desseins