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DE SHERLOCK HOLMES

et de ses gens. Il vivait en compagnie d’un fidèle domestique, son compatriote, qui parlait l’anglais, le servait personnellement et administrait en son nom. Avec cela, il possédait, disait-il, un cuisinier merveilleux, un métis, qu’il avait cueilli dans un de ses voyages, et grâce auquel il pouvait toujours répondre d’un bon dîner. « Drôle de personnel, ajouta-t-il, pour une maison située au cœur du Surrey. » J’en tombai d’accord avec lui, sans me douter que ce jugement était bien au-dessous de la vérité.

« Je me fis porter en voiture à Wisteria Lodge, qui est à deux milles au sud d’Esher. Imaginez une vaste habitation en arrière de la route, précédée d’une allée tortueuse que bordent de hauts arbustes toujours verts, d’ailleurs vieille et délabrée au point de menacer ruine. Quand la voiture me déposa sur un terre-plein envahi par les herbes, en face d’une porte noircie et souillée par les intempéries, je me demandai s’il était très sage à moi de venir ainsi chez un homme que je connaissais si peu. Cependant, m’ayant ouvert lui-même, il me fit un accueil cordial et démonstratif, avant de me remettre aux mains de son valet, mélancolique individu au teint basané, qui, s’emparant de mon sac, me montra le chemin de ma chambre. La place était morne. Nous dînâmes tête à tête, et mon hôte s’appliqua de son mieux à me divertir ; mais sa pensée semblait constamment l’emporter au loin. Sa conversation était si vague, si décousue, que j’avais peine à la comprendre. Sans cesse il tambourinait des doigts sur la table, se rongeait les ongles, donnait mille signes d’impatience nerveuse. Le dîner n’était ni bon ni bien présenté, et naturellement il ne gagnait rien à être servi par un valet rabat-joie. Je vous assure que bien des fois, au cours de la soirée, je souhaitai de trouver