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LA NOUVELLE CHRONIQUE

d’importance. Un soir, mes yeux s’ouvrirent. J’arrivais du navire ; ma femme était sortie ; Sarah se trouvait à la maison.

Où est allée Mary ? lui demandai-je.

Payer quelques factures, me répondit-elle.

Impatienté, je me mis à faire les cent pas dans ma chambre.

Eh quoi ! Jim, me dit-elle, ne pouvez-vous cinq minutes vous passer de Mary ? Même pour si peu de temps, ma compagnie ne vous suffit point ? Voilà qui ne fait guère mon éloge.

Mais si, ça va très bien comme ça, jeune fille ! répondis-je en lui tendant la main avec gentillesse.

Aussitôt, elle la saisit entre ses dix doigts ; ils brûlaient comme si elle avait eu la fièvre. Je la regardai dans les yeux et devinai tout. Nous n’eûmes besoin de parler ni l’un ni l’autre. Je pris un air sévère et je retirai ma main. Sarah demeura un instant silencieuse à mes côtés ; puis, me tapant sur l’épaule :

Allons, dit-elle, ne vous troublez pas, mon vieux Jim !

Là-dessus, il lui échappa une espèce de rire moqueur, et elle sortit de la chambre.

Dès lors, elle me détesta de tout son cœur, de toute son âme, ce qui, pour elle, n’est pas peu dire. J’eus la sottise, la sottise inconcevable, de permettre qu’elle continuât d’habiter avec nous ; mais jamais je ne soufflai mot de rien à Mary, sachant trop que je lui ferais de la peine. Les choses semblèrent aller comme avant ; mais au bout d’un certain temps je m’aperçus d’un petit changement chez Mary elle-même. Elle avait toujours été, jusque-là, confiante et candide ; à présent, elle devenait bizarre, soupçonneuse. Chaque jour la rendait plus étrange et plus irritable ; nous avions des piques