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— Qu’est-ce qui vous choque chez elle ?

— Que le ciel me pardonne si je la juge témérairement, Rodney, mais je crois que cette femme est ivre.

— Tiens ! fis-je. Elle a arrêté sa chaise là-haut, à la forge. Je vais vous chercher des nouvelles.

Et saisissant ma casquette, je m’esquivai.

Le champion Harrison venait de ferrer un cheval à la porte de la forge, et quand j’arrivai dans la rue, je pus le voir le sabot de l’animal sous le bras, sa râpe à la main, et agenouillé parmi les rognures blanches.

De la chaise, la femme faisait des signes et il la regardait d’un air d’étonnement comique.

Bientôt il jeta sa râpe et vint à elle, se tint debout près de la roue et hocha la tête en lui parlant.

De mon côté, je me faufilai dans la forge où le petit Jim achevait le fer, je regardai avec admiration son adresse au travail et l’habileté qu’il mettait à tourner les crampons.

Quand il eut fini, il sortit avec son fer et trouva l’inconnue en train de causer avec son oncle.

— Est-ce lui ? demanda-t-elle de façon que je l’entendis.

Le champion Harrison affirma d’un signe de tête.

Elle regarda Jim.

Jamais je ne vis dans une figure humaine des yeux aussi grands, aussi noirs, aussi remarquables.

Bien que je ne fusse qu’un enfant, je devinai qu’en dépit de sa face bouffie de sang, cette femme-là avait été jadis très belle.

Elle tendit une main, dont tous les doigts s’agitaient, comme si elle avait joué de la harpe, et elle toucha Jim à l’épaule.

— J’espère… j’espère que vous allez bien… balbutia-t-elle.