dans la cabine de son vaisseau amiral, pour attendre le moment de se porter sur la ligue ennemie.
Il y avait aussi une humaine tendresse dans le ton qu’il prenait pour parler de ses camarades morts, et elle me fit comprendre pourquoi il était si aimé de tous ceux qui servirent sous lui.
En effet, bien qu’il eût la dureté du fer quand il s’agissait de naviguer et de combattre, en sa nature complexe, il se combinait une faculté qui manque à l’Anglais, cette émotion affectueuse qui s’exprimait par des larmes, lorsqu’il était touché, et par des mouvements instinctifs de tendresse, comme celui dans lequel il demanda à son capitaine de pavillon de l’embrasser quand il gisait mourant, dans le poste de la Victoire.
Mon père s’était levé pour partir, mais l’amiral, avec cette bienveillance qu’il témoigna toujours à la jeunesse, et qui avait été un instant glacée par l’inopportune splendeur de mes habits, continua à se promener devant nous, en jetant des phrases brèves et substantielles pour m’encourager et me conseiller.
— C’est de l’ardeur que nous demandons dans le service, jeune gentleman, dit-il. Il nous faut des hommes chauffés au rouge, qui ne sachent ce que c’est que le repos. Nous en avons de tels dans la Méditerranée et nous les retrouverons. Quelle troupe fraternelle. Lorsqu’on me demandait d’en désigner un pour une tâche difficile, je répondais à l’amirauté de prendre le premier venu, car le même esprit les animait tous. Si nous avions pris dix-neuf vaisseaux, nous n’aurions jamais déclaré notre tâche bien remplie, tant que le vingtième aurait navigué sur les mers. Vous savez ce qu’il en était chez nous, Stone. Vous avez passé trop de temps sur la Méditerranée, pour que j’aie besoin de vous en dire quoi que ce soit.