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jim harrison, boxeur

Les règles du service exigeaient qu’on fût constamment rasé de près, que chaque tête fût poudrée, que sur chaque nuque tombât la petite queue de cheveux naturels attachés par un ruban de soie noire.

Les morsures du vent et les chaleurs tropicales avaient réuni leur influence pour leur donner un teint foncé, en même temps que l’habitude du commandement et la menace de dangers toujours prêts à reparaître avaient imprimé sur tous le même caractère d’autorité et de vivacité.

Il y avait parmi eux quelques faces joviales, mais les vieux officiers avaient des figures sillonnées de rides profondes et des nez imposants qui faisaient, à la plupart d’entre eux, une figure d’ascètes austères et durcis par les intempéries comme ceux du désert.

Les veilles solitaires, une discipline qui interdisait toute camaraderie, avaient laissé leurs marques sur ces figures de Peaux-Rouges.

Pour ma part, j’étais si occupé à les examiner, que je touchai à peine à mon souper. Malgré ma grande jeunesse, je savais que, s’il restait quelque liberté en Europe, nous la devions à ces hommes, et je croyais lire sur leurs traits farouches et durs le résumé de ces dix années de luttes qui avaient fini par faire disparaître de la mer le pavillon tricolore.

Lorsque nous eûmes fini de souper, mon père me conduisit dans la grande salle du café où étaient réunis une centaine d’autres officiers de marine qui buvaient du vin, fumaient leurs longues pipes de terre en faisant une fumée aussi épaisse que celle qui règne sur le pont supérieur quand on combat bord à bord.

Comme nous entrions, nous nous trouvâmes face-à-face avec un officier d’un certain âge qui allait sortir.

C’était un homme aux grands yeux intelligents, à