Page:Doyle - Jim Harrison, Boxeur, trad Savine, 1910.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
jim harrison, boxeur

vapeur des plats ces rangées de trognes farouches et grossières, ces larges épaules, qui s’arrondissaient par-dessus la table, j’aurais pu croire que j’assistais à une de ces plantureuses bombances de jadis, où les sauvages convives rongeaient la viande jusqu’à l’os, puis, en leurs jeux meurtriers, jetaient leurs restes à la tête de leurs captifs.

Ça et là la figure plus pâle et les traits aquilins d’un Corinthien rappelaient de plus près le type normand, mais en grande majorité ces faces stupides, lourdes, aux joues rebondies, faces d’hommes pour qui la vie était une bataille, évoquaient la sensation la plus exacte possible dans notre milieu, de ce que devaient être ces farouches pirates, ces corsaires qui nous portaient dans leurs flancs.

Et cependant, lorsque j’examinais attentivement, un à un, chacun des hommes que j’avais en face de moi, il m’était aisé de voir que les Anglais, bien qu’ils fussent dix contre un, n’avaient pas été les seuls maîtres du terrain, mais que d’autres races s’étaient montrées capables de produire des combattants dignes de se mesurer avec les plus forts.

Sans doute, il n’y avait personne dans l’assistance qui fût comparable à Jackson ou à Belcher, pour la beauté des proportions et la bravoure. Le premier était remarquable par la structure magnifique, l’étroitesse de sa taille, la largeur herculéenne de ses épaules. Le second avait la grâce d’une antique statue grecque, une tête dont plus d’un sculpteur eut voulu reproduire la beauté. Il avait dans les reins, les membres, l’épaule, cette longueur, cette finesse de lignes qui lui donnaient l’agilité, l’activité de la panthère.

Déjà, pendant que je le regardais, j’avais cru voir sur sa physionomie comme une ombre tragique.