les circonstances favorables à une disparition étaient plus nombreuses qu’on n’aurait pu croire.
« Sur toute la longueur entre ces deux points, disait-il, la ligne traverse une région de forges et de houillères. Parmi ces houillères, les unes sont en pleine exploitation, les autres ont été abandonnées. On n’en compte pas moins de douze qui, par un minuscule réseau à voie étroite, roulent leurs wagonnets jusqu’à la grande ligne. Nous n’en tiendrons, naturellement, aucun compte. Mais il y en a sept autres qui ont – ou ont eu – leurs lignes particulières s’embranchant, au moyen d’aiguilles, sur la ligne principale, de façon à assurer le transport direct de la production depuis la mine jusqu’aux grands centres distributeurs. Chacune de ces lignes n’a du reste qu’une longueur de quelques milles. Quatre sur sept appartiennent à des usines épuisées, ou du moins, actuellement inexploitées, savoir : la Redgauntlet, la Hero, la Slough of Despond et la Heartsease, dont la dernière fut, il y a dix ans, une des mines les plus importantes du Lancashire. Nous pouvons en faire abstraction dans nos recherches, car pour prévenir toute éventualité d’accident on a pris soin d’enlever les rails les plus proches de la grande ligne, si bien que le raccordement n’existe plus.
« Restent trois autres voies latérales conduisant :
« (a) Aux Forges de Carnstock ;
(b) À la Mine du Grand Ben ;
(c) À la Mine de Persévérance.
« De ces trois lignes, celle du Grand Ben ne dépasse pas en longueur un quart de mille et finit à un mur de charbon qui attend qu’on en débarrasse l’entrée de la mine. Il n’a été vu ni entendu de ce côté quoi que ce soit de spécial. La ligne des Forges de Carnstock resta bloquée toute la journée du 3 par un chargement de seize wagons d’hématite : elle est à voie simple, et rien n’y pouvait passer. Quant à la ligne de Persévérance, elle est à double voie, et très active à cause du gros débit de la mine. Le 3 juin, le mouvement s’y effectua comme à l’ordinaire. Des centaines d’hommes, et notamment des équipes de poseurs, travaillèrent d’un bout à l’autre de la ligne, laquelle a un développement total de deux milles un quart : on ne concevrait donc pas qu’un train s’y fût engagé à l’improviste sans attirer l’attention générale. Nous ferons remarquer en terminant que cet embranchement est plus proche de Saint-Helens que le point où l’on découvrit le corps du mécanicien, et nous avons tout lieu de croire que le train avait dépassé ce point avant de disparaître.
« En ce qui concerne John Slater, l’état du corps et les blessures qu’il portait n’autorisent aucune hypothèse. La seule chose qu’on puisse dire, c’est que, vraisemblablement, le malheureux tomba de sa machine. Comment il en tomba, et ce que la machine devint après la chute, autant de questions sur lesquelles je ne me sens pas assez qualifié pour émettre une opinion personnelle. »
Et l’inspecteur concluait par l’offre de sa démission, les journaux de Londres l’ayant piqué au vif en l’accusant d’incompétence.
Un mois s’écoula, durant lequel la police et la Compagnie poursuivirent simultanément et vainement leurs recherches. Chaque jour, le public ouvrait les journaux avec la certitude d’y trouver la solution de cet étrange mystère. Mais les semaines succédaient aux semaines, et la solution n’arrivait toujours pas. En plein jour,