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Bretagne établis dans l’Amérique, pourraient servir d’excuse aux représailles les plus sévères ; mais l’Anglais dédaigne cette barbare méthode : sa religion lui prêche l’humanité et son cœur en suit avec plaisir les préceptes. Si la folle espérance de nous résister avec succès porte les Canadiens à refuser la neutralité que je leur propose et leur donne la présomption de paraître les armes à la main, ils n’auront sujet de s’en prendre qu’à eux-mêmes lorsqu’ils gémiront sous le poids de la misère à laquelle ils se verront exposés par leur propre choix. Il sera trop tard de regretter les efforts inutiles de leur valeur indiscrète, lorsque pendant l’hiver ils verront périr de famine tout ce qu’ils ont de plus cher. Quant à moi, je n’aurai rien à me reprocher, les droits de la guerre sont connus : l’entêtement d’un ennemi justifie les moyens dont on se sert pour le mettre à la raison.

« Il est permis aux habitants du Canada de choisir : ils voient d’un côté l’Angleterre qui leur tend une main puissante et secourable. Son exactitude à remplir ses engagements est connue ; elle s’offre à maintenir les habitants dans leurs droits et leurs possessions ; d’un autre côté la France, incapable de supporter ces peuples, abandonne la cause dans le moment le plus critique ; et si pendant la guerre, elle leur a envoyé des troupes, à quoi leur ont-elles servi ? à leur faire sentir avec plus d’amertume le poids d’une main qui les opprime au lieu de les secourir. Que les Canadiens consultent leur prudence ; leur sort dépend de leur choix.

« Donné à notre quartier-général de la paroisse de St. Laurent, Île d’Orléans, 27 Juin 1759.

« (Signé,) James Wolfe. »


Le 25 Juillet 1759[1], un autre placard fut affiché aux mêmes endroits :


« De par Son Excellence Wolfe,

« Son Excellence, piquée du peu d’égard que les habitants du Canada ont eu à son placard du 27 du mois dernier, est résolue de ne plus écouter les sentiments d’humanité qui la portaient à soulager des gens aveuglés sur leurs propres intérêts.

« Les Canadiens, par leur conduite, se montrent indignes des offres avantageuses qu’il leur faisait ; c’est pourquoi il a donné ordre au Commandant de ses troupes légères et autres officiers de s’avancer dans le pays pour y saisir et emmener les habitants et leurs troupeaux, et y détruire et renverser ce qu’ils jugeront à propos. Au reste, comme il est fâcheux d’en venir aux extrémités barbares dont les Canadiens et les Indiens, leurs alliés, leur donnent l’exemple, il se propose de différer jusqu’au 10 Août prochain à décider du sort des prisonniers envers lesquels il usera de représailles, à moins que pendant cet intervalle, les Canadiens ne viennent se soumettre au terme du premier placard et, par cette soumission, toucher sa clémence et le porter à la douceur.

« Donné à Saint-Henri, le 25 Juillet 1759.

« (Signé.) Jon Darling,
« Major général des troupes légères. »


Le 17 Septembre 1759[2], Québec capitula et les Anglais en prirent possession. Ce fut plutôt un acte de lâcheté de la part des français assiégés dans la ville, qu’un acte de nécessité absolue.

Les négociants qui composaient les officiers de la milice, s’étant assemblés chez M. Daine, Lieutenant-Général de Police, ils avaient présenté à M. de Ramesay une requête pour l’engager à capituler : ce qu’il fit assez légèrement, malgré l’absence d’instructions[3].

  1. Correspondance officielle des Gouverneurs, XII, 389.
  2. L’abbé Ferland, II, 588. Garneau, II, 812.
  3. Smith, I, 817.