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devinrent-ils ? — Et voilà la mémoire et l’imagination à l’œuvre ! Le romancero babille, les légendes racontent, l’histoire prend le ton grave qui convient à son métier ; tous s’efforcent de reconstruire la vieille Espagne et nous engagent à prêter l’oreille à leurs récits. — Ce n’est pas sans intérêt, ni sans difficulté ! il s’agit de mettre d’accord des gens qui ne s’entendent guère et veulent tous avoir raison. — Chrétiens d’un côté, musulmans de l’autre, se regardant de travers et embrouillant la question. — Cependant, écoutons ce qu’ils vont nous dire et nous en accepterons le plus vraisemblable.

Longtemps avant l’époque mahométane, l’Espagne, cette proie si belle et si enviable ! avait excité la convoitise de divers envahisseurs. Sans remonter jusqu’aux nébuleuses époques des Aryens et des Pelasges, nous trouvons les Celtes au nord et à l’ouest de la péninsule, les Ibères à l’est et au sud ; les Grecs fondant diverses colonies sur les côtes, et surtout Sagonte (de nos jours Murviedro) et les Phéniciens s’établissant à Tarragone. Ces peuples, ne pouvant subjuguer tout le pays, appelèrent à leur aide les Carthaginois qui, d’alliés devenant maîtres, fondèrent Carthagène, s’emparèrent des îles Baléares, soumirent toute la côte, poussèrent jusqu’à l’Ebre, et là rencontrèrent les Romains qui leur barrèrent le chemin ; le règne des Carthaginois dura de 438 av. J. C. jusqu’à 230, puis Rome alors s’empara de l’Espagne à l’aide de toutes sortes de perfidies ; on sait les terribles sièges de Sagonte par Annibal marchant vers l’Italie, 219 av J. C., et de Numance, par Scipion Émilien, en 133, et la vigoureuse résistance des Astures, des Cantabres et autres populations pyrénéennes ; enfin la cruelle guerre entre César, Pompée et ses fils ; — 45 ans avant l’Ère chrétienne, César avait triomphé, et l’Espagne était à la discrétion des Romains. — Elle y resta pendant quatre siècles.

Au commencement du vme siècle, la puissance romaine était, tombée en pleine décadence : les peuples qu’elle avait si longtemps opprimés s’entendaient enfin pour prendre leur revanche : en 439 les Barbares du nord envahirent