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les apprentis de l’armurier

de bataille, sans se douter que ses dents claquaient sous sa visière baissée. Tel père, tel fils !

Le proverbe, cette fois, était en défaut ; le père et grand-père avaient sans doute dépensé une telle provision d’héroïsme qu’il n’en était plus resté pour leur descendant, qui tremblait au récit de leurs mâles exploits.

Gaultier au contraire se trouvait dans son élément. Le bruit du combat, le choc des épées, le galop des chevaux, le froissement des armures, les cris des vainqueurs, les gémissements des vaincus, tout cela lui causait une sorte d’ivresse.

Le pâle rêveur se transformait : l’œil brillant, la lèvre frémissante, les joues enflammées, il se jetait à corps perdu au plus épais des rangs ennemis et son maître avait fort à faire pour l’arrêter.

Guy était infiniment moins brave ; dans une sortie, il avait même profité d’un moment d’inattention pour tourner bride sans vergogne, en criant à son écuyer de l’imiter, et en arrachant la plume rouge qui le distinguait de ses compagnons.

Mais, loin d’obéir, Gaultier avait saisi au vol l’insigne compromettant, et, l’attachant à son casque, s’était rué au combat, ralliant les Lillois autour de lui avec le cri de guerre :

— Flandre au Lion !

À cette vue, le jeune comte, honteux sans doute de cet instant de couardise, était revenu à la rescousse et s’était jeté dans la mêlée avec une fureur telle que l’on avait eu grand’peine à l’entraîner vers la ville.

Gaultier lui avait rendu son panache, et, comme ils étaient de la même taille et avaient à peu près la même armure, les Lillois avaient pris le change et Guy était rentré en triomphe dans la cité, tandis que son écuyer était honteuse-