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les apprentis de l’armurier

L’esclave ouvrit la porte, le fit passer devant lui en lui montrant avec un geste significatif le large yatagan qui pendait à sa ceinture, puis le guida à travers un dédale de sombres couloirs, jusqu’à l’entrée d’une salle, fermée par une simple tenture.

Là, il s’arrêta, ordonna d’un signe à son compagnon de demeurer immobile et silencieux et attendit.

Derrière le rideau, l’animation était vive, Guy entendit les mots de « paix, guerre, intérêt de Lille, révolte, pas de chef ! »

— Tiens, tiens, tiens ! pensa-t-il, subitement intéressé et prêtant une oreille attentive.

Une voix, qu’il reconnut pour celle de Me Pierre, imposa silence à la tumultueuse assemblée, et notre curieux, glissant un œil dans l’entrebâillement de la tapisserie, aperçut l’armurier, debout devant son fauteuil, une chaîne d’or au cou, un chaperon sur la tête, entouré d’une vingtaine de bourgeois qui l’écoutaient anxieusement.

— Messieurs les échevins de la bonne ville de Lille, dit-il, je me suis juré de mériter le titre de rewart (protecteur) que vous avez bien voulu me conférer et c’est pourquoi j’ai quitté secrètement notre cité, non pour l’abandonner dans le péril, mais pour aller quérir un puissant renfort.

« Mme Jeanne, au mépris des promesses de son époux, viole nos privilèges et nous dénie nos franchises. Dieu fera prévaloir le bon droit, et nous prouverons que nous savons nous défendre contre nos seigneurs aussi bien que contre leurs ennemis. Que nous manque-t-il pour triompher ? Nous avons des bras, nous avons des cœurs…

— Oui, mais nous n’avons pas de tête, interrompit un des échevins, et l’on ne peut rien faire sans un chef ou un nom.

— Je vous apporte l’un et l’autre, et le nom que je vais