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les apprentis de l’armurier

non seulement une des principales villes de France, mais encore d’Europe. Elle est le centre du commerce des trois plus riches États du monde et reçoit les marchandises du Nord et du Midi. »

Ainsi s’exprimait, un peu plus tard, l’ambassadeur de Venise, et ce jugement était déjà vrai au xiiie siècle.

Maître Pierre comptait s’arrêter à Lyon un jour ou deux.

Il était descendu dans une excellente hôtellerie, avec ses jeunes compagnons qu’il traitait en fils.

— Cela me fait oublier que je n’ai pas d’enfant, disait-il avec bonhomie.

Ils déjeunaient tous trois au fond de la salle basse quand un cavalier, à la cape brune et aux traits durs, s’arrêta devant la porte, et, hélant d’un ton brusque l’hôtelier qui accourut lui tenir l’étrier.

— Dis-moi, tavernier du diable, as-tu ici deux colporteurs de douze à treize ans, se rendant à Paris à petites journées ?

— Ah ! messire, nous ne recevons pas ces sortes de gens ! répondit l’hôtelier avec un mépris superbe, et votre seigneurie sera chez moi en bonne et noble compagnie.

— Grand merci ! je n’y tiens pas… Je vais ailleurs…

Et, arrachant la bride des mains de l’aubergiste, stupéfait et déconcerté, il piqua des deux et disparut.

Les deux enfants n’avaient pas perdu un mot de ce court dialogue.

Ils jetèrent un coup d’œil sur leur protecteur. Il semblait n’avoir rien entendu, et, le nez dans son assiette, était absorbé par le découpage d’une volaille.

Seulement, quand le galop du cheval se fut perdu dans le lointain, il poussa un soupir de soulagement et, se levant, alla examiner l’horizon d’un air inquiet.