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les apprentis de l’armurier

— Non, dit-elle ; j’irai moi-même ; je n’ai déjà que trop tardé.

Mais ses forces n’étaient pas à la hauteur de son courage et elle dut se rendre aux sages observations de l’armurier.

Faible et souffrante comme elle, l’était, elle ne pourrait supporter une longue route et tomberait dès les premiers pas. Il fallait attendre quelques jours ; pendant ce temps, on lui trouverait un guide sûr et dévoué.

La fermière réclama cet honneur pour son fils Hugonet : il connaissait Guy et en était connu, et la comtesse, pouvait se fier à lui mieux qu’à personne, un si bon garçon !

— Hum ! il est bien jeune et pas très dégourdi, observa l’oncle, hésitant un peu. Mais, en somme, on se méfie moins d’un enfant : il peut passer partout, et, s’il a bonne volonté…

La mère protesta vivement de son intelligence et de son zèle, attestant tous les saints du paradis qu’il se ferait couper en morceaux pour le jeune comte dont il était, au reste, disait-elle, le meilleur ami.

C’est que, en découvrant la véritable qualité de cette mendiante, d’abord accueillie d’assez mauvaise grâce, elle avait réfléchi au parti que l’on pouvait tirer de cet événement.

Son imagination surchauffée, cette terrible imagination du Midi, à nulle autre pareille, lui montrait son fils pourvu d’une charge à la cour, son frère grand seigneur, elle-même grande dame, et elle ne doutait pas de la réalisation de ce beau rêve : Mme Marguerite ne pouvait pas oublier, dans la prospérité, ceux qui l’auraient secourue dans l’infortune. Aussi cherchait-elle à gagner ses faveurs par des attentions fatigantes et poussait-elle Hugonet à l’imiter.

Le titre de camarade de son fils était tout puissant auprès de la pauvre mère ; aussi accepta-t-elle le jeune drôle pour