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les apprentis de l’armurier

— C’est étrange ! murmura le jeune garçon tout pensif. Guy l’observait du coin de l’œil.

— Et si ta mère vivait encore, mon cher sire, as-tu songé à cela ?

— Quelle idée !

— Grand’mère a dit, ses paroles sont gravées dans mon esprit : « Sentant sa fin prochaine », mais elle ne l’a pas vue mourir, puisqu’elle est partie auparavant. Rien ne confirme cette supposition.

— Mais ce qui la confirme, mon pauvre Gaultier, c’est que, depuis lors, madame Marguerite n’a pas donné signe de vie.

— Pourtant…

— Voyons, ne te monte pas la tête.

— Enfin, si tu la retrouvais, ne serais-tu pas bien heureux de l’entourer de soins et d’affection ?

— Je tâcherais certainement d’être un bon fils, dit insoucieusement le jeune garçon.

— Tiens, voilà ce que je t’envie, mon frère ; ce n’est ni ton nom, ni ton héritage, c’est ta mère.

Il prononçait son nom avec une ardeur passionnée, une tendresse émue, qui lui donnait le charme d’une caresse.

Le regard perdu dans le vague, il s’abandonnait à une douce rêverie, évoquant un souvenir indécis et flottant, comme celui des songes.

— Hum ! le temps se gâte, dit Guy en s’arrêtant tout à coup pour regarder le ciel, si pur un instant auparavant. M’est avis qu’il faut allonger le pas si nous voulons atteindre Avignon avant la nuit.

En effet, sur les routes du Midi, le voyageur propose et le mistral dispose, ce terrible mistral, onzième plaie d’Égypte, oubliée par l’ange exterminateur et dont le Seigneur a gratifié les pauvres Provençaux, pour rétablir la balance