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les apprentis de l’armurier

sa devanture, et qu’il avait retrouvé, un beau matin, prenant un bain de pieds à la source thermale, si appréciée des Romains, qui n’avaient cependant jamais songé à y envoyer leurs statues.

C’était encore Guy qui, sans consulter l’empereur à la barbe fleurie, lui avait irrévérencieusement ordonné cette promenade hygiénique.

Puis c’étaient le « veau à deux têtes » se prélassant au-dessus de la boutique d’un chapelier, et un plat à barbe, avec l’inscription : « Ici l’on rasera gratis demain », se balançant à la porte de quelque affreux usurier. Puis les infortunés « toutous » teints en jaune serin, en vert bouteille, en rouge cramoisi, en bleu d’outre-mer !

Tout cela était l’œuvre de maître Guy, fort insouciant alors de sa future grandeur.

Quel vide ce départ devait laisser dans la bonne ville d’Aix !

Nulle part aussi grand que dans la maison de l’armurier : Douce pleurait comme une petite Madeleine, sans songer à cacher ses larmes, un vrai déluge !

Guy était si bon, si complaisant ; il savait si bien l’amuser, la distraire, la consoler dans ses gros chagrins d’enfant !

Cette fois pourtant il y était impuissant, et non seulement il ne parvenait pas à faire rire sa petite amie, mais encore il se mettait à pleurer avec elle et le duo de sanglots ne prenait point fin.

— Je reviendrai plus tard, quand j’aurai fait fortune, Douce, lui répétait-il ; je monterai un beau cheval. Je t’emmènerai dans un superbe palais tout plein d’or, de pierres précieuses, et tu seras ma petite femme.

— Quelle folie dis-tu là ? observait tout bas Gaultier plus sérieux : les nobles se marient entre eux.