Page:Dourliac - Les apprentis de l'armurier, 1895.djvu/296

Cette page a été validée par deux contributeurs.
288
dans la sierra

La jeune fille ne répondit pas, et, prenant son petit frère et sa sœur par la main, elle rentra dans sa pauvre maison, poursuivie par le rire insultant de la vieille sorcière, qui allait de groupe en groupe, déblatérant et accablant les malheureux sous les méchants propos de sa langue venimeuse.

Quelle journée passa Mercédès, courant de l’un à l’autre, s’adressant à tous, repoussée de tous, tant la culpabilité de Diego semblait évidente…

La victime était bien un agent de don Carlos et, pour ces chevaleresques Espagnols, le crime semblait plus grand encore vis-à-vis d’un proscrit.

Le soir, la pauvre enfant, brisée de fatigue, s’enferma chez elle, et, après avoir couché les petits, succombant au désespoir, elle se laissa tomber aux pieds de la Madone, sanglotant :

« Ô sainte mère de Dieu, gémissait-elle, à travers ses larmes, ayez pitié de nous, tout le monde nous abandonne…

— Pas moi », dit une voix.

Un jeune garçon, de seize ans environ, était devant elle, la regardant tristement…

« Oh ! mon pauvre Pedro, je ne doute ni de ton affection, ni de ta bonne volonté, mais… »

Elle secoua la tête…

« Tu n’as pas confiance en moi ; Mercédès, tu as tort, j’ai peu d’esprit et mes idées s’embrouillent parfois ; mais je t’aime si fort que je ferais l’impossible pour t’empêcher de pleurer.

— Hélas ! ce serait réellement l’impossible.

— Ma grand’mère est méchante, c’est elle qui a dénoncé ton père, veux-tu que je la pende à sa fenêtre pour la punir ?

— Que dis-tu là, Pedro, ce serait un crime affreux !