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les marrons du feu

offert de bon cœur : entre braves gens il faut bien s’entr’aider.

— Vous avez raison, mon ami, et vous êtes en effet un brave homme, dit le peintre tout ému… Mais j’y pense, c’est bien le moins que je demande à la grand’mère l’autorisation de portraiturer sa petite-fille.

— Ah ! ces artistes, tous les mêmes, le cœur sur la main et la main ouverte, marmotta le garde-barrière, en voyant Levers se diriger vers l’asile de la paralytique, dans une intention facile à deviner : voilà une bonne aubaine pour la mère Brulay. »

Meilleure encore qu’il ne le supposait. Le jeune homme touché par les malheurs et la résignation de l’aïeule, la gentillesse et la grâce de la fillette, vint souvent et trouva moyen, avec l’ingénieuse délicatesse des bons cœurs, d’apporter un réel soulagement à leur misère sans froisser un sentiment de dignité qu’il comprenait et respectait.

Grâce à lui, les dernières années de la bonne vieille s’écoulèrent dans une aisance relative, sans souci du lendemain, et, quand elle mourut en le bénissant, elle n’hésita pas à lui confier l’orpheline. Le peintre se montra digne de ce dépôt sacré ; il emmena la petite Madeleine qui pleurait bien fort en disant adieu à son cher Antoine ; mais lui-même partait pour le collège, la séparation était donc inévitable ; d’ailleurs la mignonne aimait de tout son cœur « bon ami », comme elle appelait gentiment son tuteur ; elle mit volontiers sa main dans la sienne, et le suivit à sa maison où l’attendaient une jolie chambrette et un bon dîner, avec toutes sortes de chatteries.

Mais Levers avait pris son rôle au sérieux et ne devait pas se borner à gâter sa pupille : aussi, malgré le plaisir qu’il éprouvait à la voir trottiner dans son jardin, dès la