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les marrons du feu

« Ah. ! c’est votre fils ?…

— Oui, et un rude gaillard, plus savant que père et mère, il décroche tous les prix à l’école, dit l’homme avec un naïf orgueil, et ces messieurs du chemin de fer ont promis de le mettre à celle ousqu’on apprend pour devenir mécanicien, ingénieur, chef de gare !

— Mes compliments ; c’est peut-être un futur Stephenson que je croque là… ; au fait, cela ne vous contrarie pas ?

— Au contraire, monsieur, ça me flatte et le gars est tout à votre service.

— Merci, j’userai de la permission.

— Je serai très content de le voir là-dessus, et, si c’était un effet de votre bonté de faire un tout petit bout de portrait pour moi, oh ! pas plus grand que l’creux d’là main, ajouta le brave homme avec la conviction évidente que la valeur d’un tableau se mesurait à sa grandeur !

— Pourquoi non ? répondit Levers en riant,… et cette petite est-elle aussi à vous ?

— Non, monsieur, quoique le fieu l’aime quasiment comme une sœur. Elle n’a plus ni père, ni mère, ni personne que sa grand’mère, une pauvre vieille impotente qui demeure par tolérance dans cet ancien moulin ; et bien que ce ne soit guère un abri pour des chrétiens, elles sont toujours mieux là quà la belle étoile.

— Et de quoi vivent-elles ?

— De tout et de rien, monsieur, la petite ramasse des fagots dans le bois ; puis elle est obligeante, serviable, elle fait volontiers les commissions, c’est une occasion de lui donner quelques sous ; car la bonne femme est fière, elle a été éduquée dans son temps, elle ne souffre pas d’aumônes, en argent s’entend ; pour une assiettée de soupe, un morceau de pain, cela ne se refuse pas quand c’est