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les marrons du feu

mutins, ses cheveux ébouriffés et ses grands yeux aux cils veloutés.

Lui, très grave, comme un magistrat, tenait un livre sur ses genoux et faisait épeler la petite dont l’application ne répondait pas au zèle du professeur, si l’on en jugeait par certain regard en coulisse suivant le vol d’un brillant papillon ou d’une élégante libellule.

Au-dessous, on lisait :

« Chauffour, 1875. »

✽ ✽

Il y avait quinze ans de cela. Levers, nouvellement installé dans le pays, en parcourait les environs en compagnie de son chien, Turco, jeune aussi alors, croquant ici un coin de forêt, là un coucher de soleil, feuilletant à loisir cet inépuisable album aux cent aspects divers qui s’appelle la Nature, et qui s’ouvre tout grand devant qui sait le lire !

Ce soir-là, il revenait de Saint-Brice, cheminant au hasard de sa fantaisie, quand il s’arrêta charmé par la beauté du paysage qui se déroulait sous ses yeux : c’était le hameau de Chauffour.

La vue surtout de l’écolier et de sa compagne, si naturels, si gracieux dans leur pose sans apprêts, séduisait son imagination ; et, dressant, en un tour de main, son chevalet, il se hâta de tracer une esquisse de cette scène champêtre.

« C’est mon Antoine que vous peignez là, dit une grosse voix, et, ma fine ! il est joliment ressemblant. »

Le garde-barrière s’était approché, son chapeau de toile cirée sur la tête, son drapeau rouge à la main : le train venait de passer, roulant vers la station dans un grondement de tonnerre !…