— Je veux rester avec toi, grand’mère ; je ne veux plus retourner là-bas…
L’aïeule écoutait tout émue ; mais, par un violent effort :
— Cela ne se peut pas, ma Jeannine, dit-elle avec fermeté ; ce serait de l’ingratitude envers ta mère adoptive qui est si bonne pour toi. Vois-tu, ma chérie, je t’ai donnée, — Dieu sait ce qu’il m’en a coûté ! — j’ai promis de ne jamais te revoir, d’être morte pour toi, rien ne me fera manquer à ma promesse !…
— Tu ne m’aimes donc plus ?
— C’est parce que je t’aime au contraire… quand tu seras grande, tu comprendras cela…
— Mais, si l’on me renvoyait, pourtant ?
— Alors, c’est autre chose. Mais on ne te renverra pas : on doit être trop content d’avoir une belle petite fille comme toi…
L’enfant secoua son front pensif.
— Retourne près de ta mère, ma chérie, ajoute doucement la pauvre vieille dont la voix tremble malgré elle ; ne dis pas que tu es venue, que tu m’as vue, et… oublie-moi.
À regret, la pauvrette obéit : elle s’éloigne à travers la lande, se retournant souvent.
✽ ✽
Nul ne se douta de l’escapade de Jeannine qui prétendit s’être égarée dans la campagne ; mais, à dater de ce jour, son caractère changea complètement et, en rentrant à Paris, elle était parfaitement insupportable…
Toutes ses brillantes qualités, tant prônées par sa mère adoptive devant ses héritiers déçus et humiliés, s’étaient changées en autant de vilains défauts : elle se montrait gourmande, paresseuse, volontaire, menteuse, et Mme Durandel, désolée,